Deux anciennes stations-services retrouvent leurs couleurs d’antan grâce à des associations de passionnés
La France regorge de trésors patrimoniaux, dont un nombre important de raretés automobiles. On compte aujourd’hui environ 400 000 véhicules de collection sur le territoire. Les passionnés de voitures anciennes ne s’intéressent cependant pas qu’à la conservation du patrimoine motorisé roulant, ils restaurent et préservent des centaines de lieux emblématiques de la culture automobile. D’anciennes infrastructures, telle une station-service vintage oubliée, renaissent régulièrement.
C’est le cas de deux associations qui ont récemment eu le projet fou de rénover d’anciennes stations essence. Thierry Doillon et Laurent Carré nous parlent de cette aventure hors du commun !
Une station-service OZO de 1955 à Coteau et une autre station essence OZO, aussi de 1955, à Sainte-Maure-de-Touraine !
En Indre-et-Loire, la rénovation d’une station essence OZO, construite en 1955, rachetée par Total dans les années 1960 et restée en service jusqu’au début des années 1980 est toujours en cours. Elle est l’œuvre de l’association Nostal’10, créée en 2015 et située à Sainte-Maure-de-Touraine, dans l’Indre-et-Loire.
« Dès 2015, j’ai interpellé le maire et l’ai sensibilisé sur le caractère patrimonial, architectural de cette fameuse station construite sur le modèle américain avec une grande flèche. Il m’a écouté et l’a classée au plan local d’urbanisme (PLU) de la commune comme étant un bâtiment à préserver, donc indestructible »
Laurent Carré, Président de l’association Nostal’10
Construite en 1955 pour un début d’exploitation en 1957, l’histoire de l’autre station-service OZO, celle de Coteau dans la Loire, est quasi similaire à celle de Sainte-Maure-de-Touraine. La seule différence est que celle-ci était habitée, les gérants y vivaient.
Ancienne station-service de Coteau : ils passent devant sur la National 7 et là c’est le déclic
En 2018, l’association Cars, utilitaires et compagnie voit le jour. Le but de celle-ci « était de rassembler des véhicules d’époque, utilitaires d’époque et de créer en même temps un historique et un recensement de ces véhicules dans le secteur roannais », explique son coprésident Thierry Doillon. Fin 2020, lors d’un rassemblement, les membres présents ce jour-là circulent sur la Nationale 7, au Coteau et passent devant cette ancienne station OZO, à l’abandon. Et là, c’est le déclic.
« Deux gars, deux fêlés, se sont dits que ce lieu serait pas mal pour le club, pour faire nos réunions, nos assemblées générales et ainsi de suite. Les autres aussi ont mordu à l’hameçon. C’est partie d’un coup de folie », rigole-t-il. Puis, tout est allé très vite. « Le temps un peu de se renseigner à qui elle appartenait, de faire les démarches, on a débuté les premiers travaux le 21 juillet 2021. » Thierry Doillon et ses équipes étaient d’ailleurs tellement pressés, qu’ils ont commencé les premiers « avec simplement une autorisation verbale et non pas une écrite par une convention ».
D’une forêt vierge à une véritable station OZO des années 1950
Aujourd’hui, le propriétaire du bâtiment et du terrain est la communauté d’agglomération de Roanne. « On a signé avec eux une convention de prêt à titre gracieux, avec deux dérogations ou prolongations, dont la dernière arrivera à échéance en 2030 », de quoi voir venir pour l’association.
Quand ils l’ont récupérée, en 2021, « c’était une vraie forêt vierge. Il fallait tout dégager, tout défricher. Heureusement, parmi les membres, il y a un bûcheron, des gars qui bossent dans les travaux publics et ont les engins qu’il faut. En quatre ou cinq jours, c’était réglé », se souvient Thierry Doillon. « On s’est aperçu ensuite qu’il fallait enlever toute l’ancienne étanchéité pour la refaire. On s’est occupés de ça en priorité, ainsi que de la remise en état du toit. »
L’association s’est confrontée à un autre problème de taille. « Pour restaurer, il faut de l’argent. Donc on a d’abord fait une cagnotte, on a récupéré des dons à droite, à gauche. Puis on a quand même monté un dossier d’intérêt général, ce qui fait que maintenant, l’association est reconnue d’intérêt général. » Cela signifie que les donateurs peuvent bénéficier d’avantages fiscaux. Grâce à ça, Thierry Doillon et ses équipes ont pu avancer dans la rénovation. « On s’est occupé de tout qui était intérieur avec les huisseries. Et ensuite, on a fait les travaux de finition, comme la plâtrerie, et les peintures extérieures. »
Station essence OZO de Coteau : le bâtiment reconnu et classé par la Fédération française des véhicules d’époque !
En novembre 2023, la station-service vintage OZO de Coteau, le long de la RN7, avait retrouvé ses couleurs d’antan ! Si l’extérieur du bâtiment est entièrement rénové, tout n’est pas terminé.
« Il nous reste à faire un peu de peinture intérieure sur deux pièces, mais aussi la mise en conformité en eau courante, l’assainissement. Il y avait pas d’eau à l’époque. L’alimentation se faisait par un puit. On doit aussi refaire toute l’électricité car elle est restée trop longtemps en inactivité. »
Concernant les événements organisés par l’association, ils n’ont pas pu attendre la fin de la rénovation. Ainsi, depuis 2022, trois grandes manifestations sont au programme de chaque année. La première se passe au mois d’avril, il s’agit d’une journée réservée au patrimoine des véhicules anciens. « Elle est impérative pour nous, parce que le bâtiment a été classé, baptisé et reconnu par la Fédération française des véhicules d’époque (FFVE). » Puis, en septembre a lieu la montée historique de Vendranges. « On a 700 véhicules, 2500 personnes, les routes sont barrées. On sort le grand jeu. »
Une autre station essence vintage rénovée à Sainte-Maure-de-Touraine
En 2021, Laurent Carré, président de l’association Nostal’10, décide de contacter les propriétaires d’une station-service OZO des années 1950 située sur la Nationale 10 près de Saint-Maure-de-Touraine. Il a signé une convention avec eux. « Celle-ci est très simple. On restaure le bâtiment gratuitement, on ne leur demande rien. Et en échange, ils nous mettent la station à disposition pour organiser des rassemblements de voitures anciennes et d’autres futures manifestations ».
Les bénévoles de Nostal’10 ont commencé les travaux durant l’été 2022. D’abord sur les fonds propres de l’association, puis ils utilisaient l’argent récolté via une cagnotte. L’urgence absolue était l’étanchéité du toit et de l’auvent.
L’année dernière, le Conseil départemental d’Indre-et-Loire a mis en place des projets citoyens à buts patrimoniaux, avec à la clé, pour les meilleurs, une enveloppe financière. De quoi entreprendre de belles choses. « Nous avons été lauréats sur le canton de Sainte-Maure-de-Touraine. Avec la somme que nous avons touchée, et versée en juin 2023, on a pu entreprendre les travaux de manière plus conséquente. On les a faits à partir du mois de septembre jusqu’en ce début d’année 2024. » La réfection de la vitrine a pu être effectuée et les portes ont été changées.
La station essence vintage de Sainte-Maure-de-Touraine a été par la suite labellisée Patrimoine du XXe siècle par le ministère de la Culture, une véritable consécration.
Du rouge et du blanc pour retrouver son look d’époque
L’association y va étape par étape. Si tout se passe comme prévu, les bénévoles s’attaqueront aux peintures extérieures de la station dans les prochaines semaines. « Ce sera du blanc et du rouge, pour qu’elle retrouve ses couleurs et son look d’antan », rappelle Laurent Carré. « On va évidemment repeindre la grande flèche sur laquelle il y avait le logo initial, celui de la marque OZO. »
Pour le reste, les idées ne manquent pas au président de Nostal’10. Notamment pour l’intérieur, qui ne mesure que 11 mètres carrés. « C’est petit, mais on veut le refaire à l’identique. Je suis en contact avec la fille des gérants qui l’ont eue dans les années 60. Elle m’a expliqué un petit peu ce qu’il y avait. » Le magasin d’époque, qui contenait un bureau et un présentoir, pour les bidons d’huile notamment, va être reconstitué.
Une station service vintage des années 1950 pour faire vivre la passion automobile
L’association de Laurent Carré n’a, en tout cas, pas attendu la fin des travaux pour mettre en place des événements. « Ca fait maintenant trois ans, que de mars à octobre on organise, le troisième dimanche de chaque mois un rassemblement de voitures anciennes le dimanche matin. Ca va des années 50 aux années 70. On a entre cinquante et cent véhicules, essentiellement quatre roues mais aussi quelques deux roues », détaille le président. « Même si la station nous ramène de suite à l’automobile, on aimerait se diversifier. On voudrait organiser un salon en plein air ou une bourse d’échange de collectionneurs par exemple. Le but c’est de la faire vivre. »
Formidable aventure humaine et valorisation d’un patrimoine original, « il fallait aussi sauver ce bâtiment, du fait de son caractère architectural. » Selon lui, avec l’électrification automobile, « je me dis que c’est un moyen de garder un souvenir pour montrer aux générations futures ce que c’était qu’une station-service où il fallait s’arrêter régulièrement pour remettre du carburant ».
Les deux stations essence OZO vintage bientôt jumelées
En novembre, Cars, utilitaires et compagnie organise sa journée « boudin ou saucisson » à la station-service restaurée de Coteau.
« On invite tous les gens qui nous ont aidé financièrement pour la restauration. Des navettes gratuites sont mises en place pour aller chercher les papys et mamies. On leur fait plaisir, c’est très important. »
Thierry Doillon, coprésident de l’association Cars, utilitaires et compagnie
Si le lieu sert aux réunions de travail mensuelles, quasiment tous les dimanches il se passe quelque chose à la station-service. « Plein d’associations veulent venir. On va bientôt avoir le club Mustang, avec 70 voitures, mais aussi le club Harley-Davidson. »
Il faut enfin signaler que les stations sœurs OZO, de Sainte-Maure-de-Touraine, et de Coteau, vont être bientôt jumelées. Les associations Nostal’10 et Cars, utilitaires et compagnie ont en effet décidé de se rapprocher. Une première rencontre est prévue au mois d’octobre 2024 dans la Loire. Une belle initiative qui prouve que le patrimoine auto est toujours vivant et que la culture automobile peut encore se transmettre de génération en génération.
