Entretien avec Baptiste Nicolosi, collectionneur d’une authentique Bugatti Type 35, Jascha Straub, manager Bugatti Sur Mesure & Individualization, et Luigi Galli, spécialiste Héritage et Certification de la marque, à l’occasion des 100 ans de la Type 35
Dévoilée en 1924, la Bugatti Type 35 a marqué l’histoire avec plus de 2 500 victoires en course. Cette voiture a littéralement fait entrer Bugatti, et plus généralement l’automobile, dans une toute nouvelle ère ! 100 ans après ses débuts, sa beauté, son ingéniosité technique et sa tenue de route impressionnent toujours. Malgré les années, sa popularité et son attrait n’ont pas faibli, la plupart des modèles modernes de la marque portant encore son influence.
Luigi Galli, spécialiste Héritage et Certification de Bugatti, Jascha Straub, manager Sur Mesure & Individualization pour Bugatti, mais aussi Baptiste Nicolosi, collectionneur d’une incroyable Type 35, nous parlent de cet héritage.
100 ans de la Bugatti Type 35, une voiture légère, très simple et très efficace
« La Type 35 est la voiture que nous associons toujours directement au génie d’Ettore Bugatti. Techniquement, il a créé ce qui se faisait de mieux à l’époque. C’est une voiture qui a apporté la première révolution dans l’industrie automobile », estime d’entrée Luigi Galli. « En regardant certaines pièces de plus près, l’essieu avant creux n’était pas seulement fait pour économiser de l’argent dans les métaux. C’était un processus très complexe qui, au final, vous donnait des composants très légers. Et rendait la voiture super facile à manipuler », poursuit-il.
Toujours dans le but de réduction du poids de ce modèle biplace, Ettore Bugatti a pensé à y poser des roues moulées en aluminium. Résultat, son obsession pour la production de composants les plus légers possible a permis d’atteindre un poids de seulement 750 kg, ce qui est très léger pour une voiture dotée d’un moteur à huit cylindres. En effet, la Type 35 a d’abord été dotée d’un huit cylindres en ligne de 2,0 litres à 24 soupapes à paroi mince. Il a ensuite été porté à 2,3 litres et suralimenté. De quoi atteindre la vitesse de pointe impressionnante de 190 km/h . « C’était un petit moteur, très simple du point de vue de la conception aussi. Mais très efficace et très fiable », précise le spécialiste Héritage et Certification.
« Chaque Bugatti moderne porte les gènes de cette voiture », assure Jascha Straub, manager Sur Mesure & Individualization pour Bugatti
De son côté, Jascha Straub pense que la passion pour Bugatti vient directement de cette voiture, produite à 340 exemplaires entre 1924 et 1930. « Elle apporte de l’émotion, tout simplement », avance-t-il, avant d’ajouter : « D’un point de vue de la conception et de l’ingénierie, nous pourrions en quelque sorte diviser l’ère historique de la marque. D’abord avec Ettore Bugatti dans une ère plus axée sur l’ingénierie. Puis une ère plus stylistique et esthétique dirigée par Jean Bugatti. Et la Type 35 est vraiment ce summum de l’ingénierie à cette époque. »
Le manager Bugatti Sur Mesure & Individualization affirme que la Type 35 « fait partie de nous encore aujourd’hui ». Selon lui, « outre l’approche esthétique et stylistique que nous suivons toujours, elle est aussi une source d’inspiration pour l’équipe de conception. Parce que c’est l’une de nos voitures les plus emblématiques. C’est une icône ». Sur les modèles modernes, d’un point de vue design, on peut retrouver des éléments comme la calandre en forme de fer à cheval. Ou encore « le capot, qui a toujours cette forme de fuselage. C’est vraiment une inspiration de la Type 35 ».
Sur le plan technique, « chaque Bugatti moderne porte les gènes de cette voiture. Elle nous inspire encore beaucoup », admet Jascha Straub. Comme Ettore Bugatti avec la Type 35, « on essaye d’avoir une approche authentique pour chaque nouveau modèle. Tous doivent être intemporels ». Surtout, il fait remarquer que de nombreux possesseurs de Type 35 la conduisent encore aujourd’hui. « C’est ce que nous voulons pour nos voitures modernes. Que les gens les admirent encore dans 100 ans. » Il espère que certaines deviendront aussi des icônes. A l’image de la Bolide, qu’il considère comme une réinterprétation moderne de la Type 35.
Chez Bugatti, « nous nous efforçons toujours de repousser les limites et de chercher la perfection, comme par le passé »
Avec ses 2 500 victoires entre 1924 et 1930, dont cinq rien qu’à la Targa Florio, mais aussi à Monza en 1928 avec Louis Chiron, et sans doute la plus belle au Nürburgring en 1929 toujours avec Louis Chiron à son volant, la Type 35 est l’une des voitures de course les plus réussies de l’histoire. Et Jean Bugatti, fils d’Ettore, a conduit ensuite la marque dans une approche plus grand tourisme, en s’appuyant sur ce palmarès. « Il était un génie de la mécanique mais aussi du marketing. En faisant cela, il a vraiment créé ce mythe autour de la Type 35. Grâce aussi à sa fameuse couleur bleue, elle s’est fait connaître dans le monde entier », rappelle Luigi Galli.
« La fascination pour Bugatti, depuis des années, vient à n’en pas douter de la Type 35 », assure encore le spécialiste Héritage et Certification. Il y a 100 ans, elle repoussait déjà les limites, notamment en termes de design et d’innovation. Les équipes actuelles, toujours à Molsheim, en Alsace, poursuivent ce travail d’orfèvre. « Nous nous efforçons toujours de repousser les limites comme par le passé. Parce que Bugatti cherche toujours la perfection. Pour chaque nouveau produit, l’objectif est d’être incomparable », indique Jascha Straub.
« Ainsi, c’est ce que l’on a réussi à faire avec l’EB110, puis la Veyron et la Chiron, de par le design et les performances notamment. Et ce sera pareil avec la nouvelle ère qui s’annonce. Cela fait partie de l’ADN de la marque. Bugatti a une histoire très spéciale et on se doit de respecter ça. Et pour toujours », conclut le manager Bugatti Sur Mesure & Individualization.
100 ans de la Bugatti Type 35, « le Graal de la voiture d’avant-guerre » pour Baptiste Nicolosi, collectionneur
Il fait partie des quelques chanceux possesseurs d’une Bugatti Type 35. Baptiste Nicolosi, 38 ans, confie qu’il est « né dedans puisque la voiture, elle est dans la famille depuis 1962 ». Et le jeune parisien ne mâche pas ses mots quand il s’agit d’évoquer ce modèle mythique : « C’est un peu le Graal de la voiture d’avant-guerre. » Il explique en quoi elle est si spéciale. « C’est un booster d’émotion, en fait. C’est-à-dire que par rapport aux sensations que vous avez pu connaître dans une voiture classique, quand vous conduisez une Bugatti, c’est multiplié par dix. »
Ainsi, selon lui, « le feeling de la route, le bruit, la tenue de route, le freinage, les matériaux de la voiture, tout ça, fait que la type 35 atteint la perfection ». Le collectionneur français donne une autre raison qui a participé à son succès. « Elle très facile à conduire, ça c’est important. C’est ce qui est amusant. C’est-à-dire qu’on peut rouler très doucement avec, et puis quand on veut aller vite, elle répond direct. Et donc, ça permet à tout le monde de conduire ce type d’automobile, même si on n’est, entre guillemets, pas un bon conducteur. »
Ce qui anime le mythe encore aujourd’hui d’après Baptiste Nicolosi, c’est le fait qu’on les voit beaucoup. « Si elles étaient toujours dans des musées, pas grand monde n’en parlerait. Alors que quand tu as 10 ans et que tu vois un truc comme ça passer, si tu es fan de voitures, tu es comme un dingue », sourit-il.
Plus de 6 000 km par an en Bugatti Type 35, raconte le collectionneur Baptiste Nicolosi
« Ça fait du bien parce qu’on revient un peu aux basiques. On est un peu seul avec la machine et on est dans sa bulle. On vit avec la voiture, on ne fait qu’un avec elle. Donc on est vachement concentrés là-dessus. Je veux dire, les mille trucs auxquels tu es obligé de penser aujourd’hui tout le temps, eh bien dans ce cas-là, tu penses plus qu’à un truc, la voiture. Et écouter si tous les bruits sont normaux. » Si c’est bien le cas, il n’y a plus qu’à profiter du paysage.
Baptiste Nicolosi, et les membres de sa famille, parcourent plus de 6 000 km par an à bord de leur Bugatti Type 35 : « On roule énormément, que soit lors de sorties en famille ou d’événements organisés pour les voitures d’avant-guerre par exemple. En tout cas, elle est très utilisée. On est au plus près d’elle, on en prend vraiment soin. Et je passe autant de temps à la conduire qu’à la réparer, ou à l’entretenir, on va dire », ajoute le collectionneur.
Côté entretien, justement, ça n’a plus rien à voir avec aujourd’hui. C’est très basique selon lui. « Après une sortie, par exemple, on va nettoyer le moteur pour voir s’il n’y a pas de fuite importante. On vérifie les niveaux. Puis on fait un contrôle général de la voiture sur les éléments de sécurité pour voir si tout est bien resserré. Et c’est à peu près tout », conclut-il en s’estimant une nouvelle fois très chanceux de posséder une telle voiture.
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